FEDERATION DES ASSOCIATIONS FRANCO-CHINOISES
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法中友协联合会
Images croisées France-Chine – Fondation Victor Segalen
Ce sont les travaux d’un colloque tenu en mai 2012 à Beijing, par la Fondation Victor Segalen pour le dialogue entre les cultures française et chinoise. France et Chine doivent s’intéresser ensemble à la perception de l’autre pour parvenir à une compréhension mieux partagée.
Connaissance, compréhension, acceptation.
Les médias français ressortent périodiquement la menace d’un nouveau « péril jaune » ; les séries télévisées chinoises font-elles revivre périodiquement le Sac du Palais d’été, phénomènes qui prennent le pas sur les souvenirs d’évènements effectifs marquant l’histoire des relations entre les deux pays : les Guerres de l’opium, les jésuites en Chine, les travailleurs chinois en France durant la Grande guerre, la traduction de Confucius etc.
Ce n’est qu’au 19e siècle que commence en Chine une véritable perception de l’identité française. En 1899 est publiée la première traduction chinoise d’un roman occidental (« La dame aux camélias ») puis suivent celles de Hugo, Balzac, qui sont des succès populaires. L’influence française est ensuite idéologique (1789, la Commune de Paris…). Puis suivent les conseils du célèbre père Huc qui, au 19e siècle, écrivait : « vouloir en Chine raisonner et agir comme en Europe serait démence et puérilité »…
►Quelle connaissance avons-nous de l’autre ? Le savoir existe, il est disponible (en 2012, 500.000 Français se sont rendus en Chine, la France a accueilli un million de Chinois), l’apprentissage des langues se poursuit. Une forme de connaissance naît, approximative, partielle, confuse, souvent passionnelle, ancrée dans une mémoire collective puissante en images de toutes sortes.
►Quelle compréhension développons-nous de l’autre ? Transformer l’information en entendement, en capacité de discernement est malaisé : l’incompréhension reste la règle, le manque de contextualisation aussi. On a même vu un nouveau président français n’être jamais allé visiter la seconde puissance mondiale – tout comme dix des douze candidats à cette élection !-.
►Quelle acceptation avons-nous finalement de nous-mêmes ? Il faut, quoi qu’il arrive, garder la porte ouverte, conserver le temps de la conversation, dire ce que l’on pense sans provoquer ni offenser l’autre. Il faudrait des Français moins arrogants face à des Chinois toujours prudents. Ces derniers voient parfois la France d’un meilleur œil que les Français eux-mêmes…
Perceptions croisées, état des lieux.
Côté français, l’image de la Chine oscille entre soupçon et optimisme. Côté chinois, 53% des personnes interrogées ont une bonne impression de la France… juste après la Suisse. Stéréotypes persistants, incompréhensions primaires sont au rendez-vous.
Deux enquêtes ont été menées, en France et en Chine. Chez les Français, un tiers éprouvent de la méfiance à l’endroit de la Chine, un tiers de la curiosité, et un Français sur cinq éprouve de la peur.
La toute puissance, millénaire et actuelle, de la Chine est largement reconnue par nos compatriotes, mais elle ne les attire pas (18% imaginent y vivre, 32% ont une bonne image de la Chine – contre 66% pour le Brésil, 25% pour l’Inde et 25% pour la Russie) ; 74% des Français interrogés considèrent la Chine comme une menace économique, 25% comme une opportunité ; 5% d’entre eux considèrent que la Chine respecte les droits de l’homme… et pour 83% les informations communiquées par la Chine sont peu crédibles.
Pour les Français, les Chinois sont travailleurs (73%), disciplinés (67%), sympathiques (17%), accueillants (14%).
Les Français appréhendent la Chine sur la base réductrice des informations en leur possession, leur méfiance est principalement due à un manque d’informations. Trois Français sur 4 jugent bonnes les relations entre les deux pays. Les éléments d’image à travailler sont : la qualité des produits chinois, la crédibilité des informations communiquées, le respect de l’environnement, les conditions de travail des salariés chinois. Si les efforts de la Chine dans ces domaines étaient portés à la connaissance des Français, l’image du pays pourrait progresser singulièrement.
Les entreprises chinoises souffrent d’un véritable déficit de notoriété (seules Qingdao, Lenovo, Haier, ZTE surnagent…). 4% des Français jugent les produits chinois de bonne qualité, 2% que les entreprises respectent l’environnement ; elles ne recueillent que 22% d’opinions positives, tandis que sont plébiscitées les entreprises allemandes.
Culture, histoire, vie quotidienne, marques et entreprises : les Français ont une méconnaissance assez profonde de la Chine d’aujourd’hui. Ceci préoccupe les milieux d’affaires : dès le début de l’ouverture, se répandit l’histoire de la poule chinoise proposant au cochon occidental de créer une joint venture dont l’objet serait de vendre des omelettes au jambon… Les déboires chinois de Danone, Schneider et bien d’autres sont encore dans tous les esprits, alors qu’une déconvenue en Chine n’est pas synonyme d’échec définitif. La Chine se veut pacifique et stable – elle est symbolisée par un panda pacifique et paresseux, qu’Hollywood a transformé en Kungfu Panda (un succès en Chine !) – mais les milieux économiques la voient comme contradictoire et imprévisible : il leur est difficile d’utiliser leurs outils habituels d’analyse et de prospectives.
Le face à face vu de Chine.
53% des Chinois interrogés ont une bonne impression de la France (après la Suisse, 64%) : mode, cosmétiques, produits de luxe, littérature… 23,3% des sondés considèrent que l’environnement et les conditions d’investissement sont satisfaisantes (12,1% les voient comme mauvaises).
Destination touristique privilégiée, comme un parc d’attraction, une sorte de « grande Venise » en proie à l’insécurité, au chômage élevé, à l’absence de dynamisme économique et au nombre considérable de jours de grève… Romantiques, arrogants, paresseux, hors d’une forme de modernité globalisante, mais plutôt chaleureux, ouverts d’esprit, cultivés, dotés d’un vif esprit critique, ainsi apparaissent les Français, dont les entreprises recueillent… 9,9% d’opinions favorables !
Les Chinois considèrent que les médias français sont à leur endroit plutôt négatifs, biaisés voire malveillants.
On observe donc une bonne image de la France, mais un profond écart de connaissance. Quelle est la responsabilité des médias dans ce clivage, Les Chinois sont frappés par le fait que les médias mettent en avant ce qui ne marche pas, en Chine comme ailleurs, mais les Français ne sont pas intéressés par les trains qui arrivent à l’heure… Tandis que l’image de la France en Chine est toujours meilleure, et parfois même meilleure que la réalité !
La relation bilatérale est ambivalente ; les reportages des médias français ont créé l’image d’une France arrogante (juin 1989, Tibet…), donneuse de leçons. On observe la persistance des préjugés, conclusions péremptoires et erronées. Les prévisions récurrentes des « observateurs » français « bien informés » sur l’effondrement prochain de la Chine montrent leur incapacité à voir que le pays se réforme constamment, ce qui est semble t-il plus facile à faire qu’en Europe…
Les Chinois regardent l’avenir des relations bilatérales à partir des convergences, les Français à partir des divergences.
Qui sait, influence et contrôle quoi ?
L’image d’un pays est une réalité autonome, qui pèse lourd. Elle est construite par des médiateurs, nombreux, dispersés et autonomes ; c’est un composé complexe qui n’évolue que très lentement. A la différence de l’Allemagne, la France n’a pas su construire une image de puissance industrielle, ni technologique (comme le Japon), mais l’a bâtie sur son histoire.
Si les nouvelles de Chine sont bonnes, les médias français ne leur accordent que peu de place, si elles sont mauvaises, ils les amplifient. Bien que le quart des internautes soit chinois et que les réseaux sociaux explosent, ceci n’a pas favorisé le développent des relations entre Français et Chinois, tandis que l’éducation se transforme en une sorte de libre service de la connaissance : on s’y exprime librement, sans aucune responsabilité, sur des sujets que l’on ne connaît ni ne comprend. Comment juger un pays, une culture, un peuple, sans l’avoir jamais vu ? Les opinions publiques sont vulnérables, qui se bercent d’une illusion de la connaissance.
Alliage du haut de gamme et de la haute technologie.
Entreprises et marques s’imposent comme vecteurs effectifs de l’image d’un pays. Il a fallu des années pour dépasser la mauvaise réputation du made in China, tandis que la France peine à revendiquer une prééminence technologique ; le modèle à suivre est ici celui de l’aérien.
C’est lorsqu’on arrête de vouloir comprendre la Chine que tout y devient clair. Le bon sens consiste à se placer dans une position de respect et d’égalité.
Comment atteindre connaissance puis compréhension ? Les stéréotypes ont la vie dure : il faut vulgariser avec intelligence, rester connecté à l’histoire, user de la transversalité potentielle des nouveaux médias, apprendre à innover ensemble, en résumé :
►décrypter les comportements et les codes,
►distinguer la lettre de l’esprit,
►inventer d’autres modes de coopération.
Dans le village dit « global », jamais les risques de malentendus n’ont semblé si grands. La Chine ressemble de moins en moins à l’image qu’on se fait volontiers d’un pays développé au sens occidental du terme. Les entreprises européennes sont 22% à envisager de se déplacer vers d’autres pôles de croissance et d’état de droit. La Chine n’a jamais été un pays de droit tel que nous le concevons, mais un espace dans lequel le pragmatisme, les corrections, les ajustements se font sans cesse et où le principe d’équité l’emporte sur celui de règle. Y critiquer son propre pays ne provoque que peu de considération…
A l’universalisme des Lumières a succédé les particularismes de la mondialisation. Le pragmatisme chinois se heurte de front à la rationalité à la française, et réciproquement, générant inquiétudes, méfiances, voire agressivité ou arrogance (« j’aime la Chine comme elle devrait être » laisse échapper un journaliste français). La Commission européenne a pour sa part une vision ethnocentriste dépassée d’un pays marqué par des évolutions importantes : l’internationalisation du RMB et la normalisation du système monétaire et financier chinois, l’émergence d’une classe moyenne (12% de la population, soit 160 millions aujourd’hui ; 70% en 2013).
Dans l’aéronautique, l’énergie (EDF), les services financiers, les secteurs de l‘eau et du vin, il est des exemples vertueux de l’évolution positive des perceptions entre les deux pays. Ailleurs prévaut souvent une approche émotionnelle qui entraîne fascination et crispation ; beaucoup de Français s’échinent à faire entrer la Chine dans le tiroir d’un modèle économique précis. Malgré les voyages – organisés par le marketing touristique – malentendus et préjugés persistent, bien qu’aux 25 étudiants français en Chine de 1970 y aient succédé les 6.000 d’aujourd’hui.
Maîtriser les techniques, accéder à la pensée.
Pauvre et agitée par la révolution culturelle, la Chine était admirée par la France ; modernisée, ouverte, elle est de plus en plus critiquée ! Quelques propositions :
►vulgariser et accroître la conscience interculturelle,
►accepter des phénomènes en apparence contradictoire,
►s’attacher à l’histoire,
►célébrer les contrastes,
►se méfier de la connexion virtuelle,
►éviter le trop plein de sens et d’interprétations,
►privilégier l’action.
Il fut rester soi-même, se rencontrer de plus en plus, ne pas chercher de réponse à tout, favoriser le désir d’innover ensemble. « Accordons-nous dans la différence » dit le dicton chinois. Il existe, entre la Chine et la France, une longue histoire de rencontres fortes mais souvent inabouties.
Valery Giscard d’Estaing : « S’il y avait la pleine et totale liberté de penser et de s’exprimer dans la société française, cela se saurait. Personne n’a mentionné le poids de la pensée unique dans le débat public français. Les organes d’information sécrètent une forme de pensée qui s’impose à tous les autres – cf. la révolution culturelle prolétarienne dépeinte par la pensée unique occidentale comme un pur moment de bonheur pour la Chine…-. Remplaçons la propagande par la compréhension réciproque ! »
Les actes du colloque sont publiés en édition bilingue :
« Images croisées France-Chine» 增进相互了解促进中法合作 »
La Documentation française, 2014
Compte-rendu établi par Alain Labat, président de la FAFC
Président : Alain Labat. 2, rue Masaryk 69009 LYON. FRANCE. Tel/fax : (33) 04.78.83.54.84
Secrétaire général : Alain Caporossi. 5C rue du Bougney 25000 BESANCON France. Tel : (33) 09.60.02.01.06.