L’OPÉRA DE PÉKIN

et les « figurines animées » de
Maître BAI Dacheng

L’OPÉRA DE PÉKIN
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Présentation :
L’Association Franc-Comtoise des Amitiés Franco-Chinoises a organisé, en novembre 1997, une visite de Maître BAI Dacheng spécialiste éminent des « figurines animées de l’Opéra de Pékin ».

A cette occasion, et avec l’aide du Service culturel de l’Ambassade de Chine en France, elle a réalisé en outre une exposition relative à l’Opéra de Pékin, dans le hall d’accueil de l’Hôtel de ville de Besançon.

La présente plaquette, réalisée à cette occasion, comporte deux parties.

La première permettra à nos adhérents, à nos amis, et aux personnes intéressées, de découvrir un artisanat d’art pratiquement méconnu en France, et préservé de l’oubli par un grand Maître reconnu dans son pays ainsi que par les spécialistes étrangers.
La seconde partie se veut une « initiation » à l’Opéra de Pékin ; elle n’en présente donc que les caractéristiques essentielles.

Les figurines animées de Maître Bai Dacheng
ou
« le petit Opéra dans un plateau de bronze ».

Les ressources de l’artisanat d’art chinois sont très variées, très riches, et parfois très originales. Maître BAI Dacheng, de Pékin, maintient la tradition de la fabrication des « figurines de soies » ou figurines animées. Il a même porté cette tradition, déjà ancienne, à des sommets de perfection, tant il a le souci d’une réalisation précise, esthétique et respectueuse du détail juste et élégant. Il est ainsi devenu le dépositaire éminent de cet art traditionnel.

Les figurines animées :

La dernière dynastie chinoise, celle des Qing (1644 – 1911), a considérablement développé l’Opéra de Pékin. A cette époque, les Chinois aimaient tellement cette forme d’Opéra, qu’ils essayaient de s’en divertir par tous les moyens. Ainsi, naquirent les « figurines de soies ». En effet, il s’agit de figurines animées grâce à un procédé aussi simple qu’astucieux : la base de chaque figurine comporte une couronne constituée de soies ou poils de porc. Disposées sur un plateau de bronze (ou sur tout autre support qui transmet les vibrations) qui est légèrement percuté par un bâton en bois, ces figurines s’animent comme par enchantement ! Selon l’inclinaison à droite ou à gauche des soies, la figurine tournoie sur sa droite ou sur sa gauche ; et si les soies sont disposées verticalement, le personnage miniature se déplace vers l’avant. Plusieurs de ces figurines, présentées sur un même plateau, peuvent alors sembler prendre vie en dessinant des évolutions qui évoquent « un petit Opéra dans un plateau de bronze ».

Pour le bon fonctionnement de ces figurines, il importe que leur centre de gravité se situe aussi bas que possible. Elles comportent donc, à leur base, un solide socle d’argile sur lequel sont fixées les soies de porc. Le corps de la figurine doit être assez léger, il est constitué à l’aide de tiges de sorgho enveloppées de tissu de coton. La tête en argile, délicatement réalisée, doit respecter les décors des masques faciaux des personnages d’Opéra représentés. Un fil de fer assez fin permet aux bras qui portent armes et autres objets de s’agiter légèrement de bas en haut. Les habits sont élégamment taillés dans de la soie, ou du satin fixés sur un papier fort pour les rendre rigides. Complétés par des accessoires vestimentaires, ils contribuent à la finition artistique de chaque figurine.

Autrefois, chaque famille, même modeste, possédait quelques figurines et s’essayait à faire vivre telle ou telle scène des opéras les plus populaires : « Voyage vers l’Occident », « le Roman des Trois Royaumes », « le Serpent Blanc »… Au fil des ans, la popularité de ces figurines a diminué et, au milieu du vingtième siècle, la sophistication des jouets, la mécanisation facile des bibelots… avaient contraint ces oeuvres à un oubli presque total.
Toutefois, le Pékinois BAI Dacheng a préservé cette tradition d’artisanat populaire, il l’a même portée à un haut niveau artistique.

Maître Bai Dacheng :

Maître BAI Dacheng est fasciné, depuis presque une quarantaine d’années, par les figurines animées. Dès son plus jeune âge, passionné par l’Opéra de Pékin, BAI Dacheng veut devenir acteur. N’ayant pas réussi à monter une troupe d’Opéra, il devient étudiant dans une école d’aéronautique, ce qui aurait dû l’éloigner pour toujours de l’Opéra de Pékin. Malheureusement pour lui… ou heureusement… en 1959, la maladie l’oblige à interrompre ses études et à quitter son travail. Une longue période de convalescence donne du temps à BAI Dacheng pour réaliser des figurines d’argile, faire de la peinture et de la calligraphie, mais aussi pour s’initier à la confection des figurines animées.

Un de ses voisins, WANG Hanqing, était le seul détenteur de précieux secrets relatifs à la fabrication des figurines animées. En effet, c’est son propre père, WANG Chunpei, qui avait lui-même donné naissance à cet art artisanal !
Lorsqu’il rencontre BAI Dacheng, WANG Hanqing est étonné par son talent. Aussi, WANG accepte-t-il volontiers d’instruire BAI de la science des figurines animées, passant ainsi outre aux règles qui voulaient que les arts traditionnels ne se transmettent qu’à l’intérieur de la famille.

Dès lors, abandonnant définitivement son métier d’ingénieur, BAI Dacheng s’adonne à sa passion. Il est même, depuis 1959, le seul artisan d’art chinois à vivre exclusivement du produit de ses oeuvres. Il a maintenu la tradition, en s’imposant un graphisme rigoureux pour la reproduction des visages, et pour celle des costumes, mais aussi en réalisant personnellement la totalité de la soixantaine des opérations requises pour faire de chaque pièce une véritable oeuvre d’art (à la différence d’ateliers moins ambitieux qui effectuent un travail à la chaîne). De surcroît, BAI Dacheng s’est imposé de parfaire la qualité esthétique des figurines animées. Celles de WANG Chunpei étaient vêtues de papier coloré : manteaux, pantalons, robes… étaient peints à même le papier. Maître BAI Dacheng utilise des soies et des satins pour réaliser les habits ; sa peinture très délicate respecte tous les détails, notamment ceux des masques faciaux ; de plus, il agrémente ses personnages de véritables ornements de plumes, perles, pompons de velours…

C’est non sans émotion que Maître BAI Dacheng parle de « ses petits amis de l’Opéra de Pékin ». De nombreux articles et émissions ont été consacrés à son art si original. Chacune de ses pièces est forcément unique, et de nombreuses expositions présentant plusieurs centaines de ses oeuvres ont déjà été organisées en Chine et à l’étranger, tandis que des milliers d’entre elles décorent les vitrines d’amateurs éclairés de par le monde !
C’est pourtant avec une touchante modestie qu’il explique que de nombreux artistes, que des représentants des corps diplomatiques, et que diverses autorités du monde culturel national et international lui ont rendu visite, en sa coquette demeure traditionnelle de Xicheng, vieux quartier de Pékin.

En effet, Maître BAI Dacheng s’intéresse à tous les arts populaires et, du fait qu’il entretient des relations avec nombre d’Artisans d’Art, de Maîtres et d’Artistes, il a entrepris, depuis fort longtemps, des collections remarquables (papiers découpés de divers styles, sculptures sur bois, estampes traditionnelles, figurines « de farine »…). Le seul problème qu’il rencontre, c’est celui de la place limitée des treize mètres carrés de son séjour ! Ses collections qui comportent des objets d’art de faibles volumes, mais le plus souvent de grande valeur, doivent y tenir place à côté de la petite salle qui constitue son atelier de travail.

Aussi, se réjouit-il très sincèrement quand, sortant de la confidentialité d’une présentation à quelques « hôtes de marque », ses trésors ont l’occasion d’être exposés dans un musée, dans une galerie, ou en tout autre lieu où ils pourront émerveiller de nombreux visiteurs.

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Initiation à l’Opéra de Pékin

L’histoire :

L’art dramatique chinois trouve ses origines dans les cérémonies religieuses de l’antiquité. Ces festivités étaient toujours accompagnées de chants, de mimes et de danses, on y rencontrait aussi bateleurs et jongleurs. Ces artistes se produisaient également dans les palais pour y divertir les rois et les princes.

C’est sous la dynastie des Tang (618-907) que se développe l’art dramatique chinois. En effet, l’empereur Xuanzong fonde en 714, une sorte de conservatoire qu’il installe dans le Liyuan, ou « Jardin des poiriers ». Une troupe de trois cents acteurs jouait pour distraire l’empereur. Cette première organisation théâtrale a marqué la culture chinoise. Aujourd’hui encore, en langage littéraire, le « Jardin des poiriers » est synonyme de théâtre, les acteurs se reconnaissant toujours comme des « disciples du Jardin des poiriers ».

Sous la dynastie des Song (960-1279), le théâtre devient plus populaire, les troupes se multiplient et, dans certaines villes, des salles de spectacle se construisent. Mais c’est dans la rue, sur des tréteaux provisoires que s’élabore peu à peu un art dramatique élaboré. Des événements historiques, des histoires romanesques ou surnaturelles, des récits moralisateurs ou satiriques sont mis en scène. Cette diversité vaut aux pièces de cette époque le nom de zaju, ou « théâtre varié ».
Au treizième siècle, les Mongols envahissent la Chine et fondent la dynastie des Yuan (1280-1368). L’occupation entraînera un vaste développement de formes d’expression populaire surtout satiriques. De nombreux auteurs composent anonymement des pièces par le biais desquelles ils expriment leur opposition aux envahisseurs. Les œuvres sont assez achevées au niveau de la forme. Elles combinent trois éléments : parties chantées, déclamations, et danses sur accompagnements musicaux. On les désigne sous le nom de Yuanqu, ou « théâtre des Yuan ». Les œuvres de cette période sont considérées comme constituant le premier théâtre complet. Le « Pavillon de l’Ouest » est la pièce la plus ancienne qui soit parvenue jusqu’à nous et qui soit encore jouée de nos jours.

Le Kunqu, théâtre de « l’école des Kun », prend naissance vers le milieu de la dynastie des Ming (1368-1644). Il s’inspire de l’école du sud où apparaît un style plus littéraire et plus savant. Suzhou devient alors le centre de l’art dramatique. Les lettrés s’intéressent à ces nouvelles formes et se mettent à écrire des pièces. Ils vont donner au genre un caractère élégant qui sera de plus en vogue non seulement au palais impérial mais également chez les riches marchands, chez les érudits et dans les familles de fonctionnaires. Des représentations théâtrales sont données à l’occasion de toutes cérémonies officielles ou fêtes familiales : naissances, mariages…

Le Kunqu est prédominant durant la majeure partie de la dynastie des Qing (1644-1911), mais il n’éclipsera jamais les théâtres locaux qui maintiennent des traditions populaires vivaces. Dans la province de l’Anhui, un style d’opéra a même une influence telle qu’il attire l’attention de l’empereur Qianlong. Grand amateur d’opéra, il fait venir à la Cour, en 1790, des troupes régionales, à l’occasion de la célébration de son quatre-vingtième anniversaire. Certaines de ces troupes s’établissent à Pékin, autour de celle de l’Anhui. Puis, en 1828, c’est la troupe du Hubei qui s’installe à Pékin et qui s’associe à celle de l’Anhui pour certaines représentations. Un nouveau style théâtral, mélange de ces deux opéras locaux, voit le jour. Il rencontre un très vif succès auprès des habitants de Pékin, on l’appelle Jinqju, ou « Opéra de Pékin ».

Le Jingju diffère du Kunqu dans la mesure où il fait moins appel aux métaphores et aux allusions littéraires. Il traite de thèmes déjà connus du public et utilise une langue plus simple. Les récits sont tirés des romans historiques et populaires ; l’accompagnement musical n’exploite que quelques modes et les mélodies deviennent parfois des chansons populaires, fredonnées au coin des rues. Mais le public adore les jeux de scène qui traduisent des épisodes guerriers à grand renfort d’acrobaties, de culbutes et de simulations de combats à cheval ou à pied, à mains nues ou à l’aide des nombreuses armes de l’époque. Ces scènes extrêmement stylisées et jouées par des spécialistes en arts martiaux enthousiasment le public. Ainsi, ce moyen d’expression suppose que les acteurs soient complets : capables de déclamer, de chanter, d’accomplir maintes prouesses acrobatiques inspirées des arts martiaux et d’alterner mouvements vifs et positions immobiles de grande beauté plastique.
Dans les écoles de théâtre, sept à dix années sont consacrées à la formation de base ; et les acteurs une fois diplômés, doivent poursuivre sans discontinuer un entraînement quotidien qui inclut le chant et la déclamation.

Au cours de la seconde moitié du dix-neuvième siècle la popularité de l’ Opéra de Pékin est à son comble. Entre 1853 et 1890, plus de trois cents pièces sont créées, mais on en ignore le plus souvent le nom de l’auteur. On sait qu’il s’agit le plus souvent d’acteurs qui, quand ils ont à l’esprit un sujet intéressant, recherchent la collaboration d’un lettré amateur de théâtre pour les aider à rédiger le scénario, à écrire les dialogues et à composer les vers des morceaux chantés. Quelques entrées gratuites seront sa rémunération, mais il demandera que son nom ne soit pas cité dans les programmes. En effet, ce nouveau théâtre est considéré par les lettrés de l’époque comme un divertissement vulgaire qui a mauvaise presse dans leur milieu. S’ils collaborent avec les acteurs, c’est par amitié, mais ils veulent s’épargner les railleries de leurs collègues et préfèrent voir leurs oeuvres rester anonymes ! Cela dit, il faut bien comprendre qu’une grande partie du travail de création est du fait des acteurs eux-mêmes. Les meilleurs d’entre eux développent un style, une technique et un jeu de scène particuliers, contribuant ainsi à l’enrichissement de cet opéra. Chacun a sa spécialité et acquiert une telle virtuosité dans tel type de rôles qu’il en deviendra une sorte de modèle pour les acteurs des générations suivantes. Aujourd’hui encore, les hommes de théâtre considèrent certains acteurs de la dynastie des Qing comme leurs maîtres.
A l’époque, le métier d’acteur est réservé au sexe masculin. Selon les préjugés du moment, les gens de théâtre appartiennent à un monde de débauche qui ne saurait convenir aux femmes. Il faut attendre la révolution de 1911 et la chute définitive de l’empire, pour que les femmes aient enfin accès aux planches. Elles ont, au début leur théâtre attitré, et jouent cette fois elles-mêmes… les rôles masculins ! Les premières troupes mixtes n’apparaîtront qu’en 1928.

En 1937, les débuts de la guerre sino-japonaise coupent court au développement de l’Opéra de Pékin. Les Japonais essayent bien de maintenir un art dramatique, mais, sous l’occupation, le public boude les représentations et, par patriotisme, les acteurs abandonnent le métier, refusant de jouer devant l’ennemi ! Du début des années quarante à la fin de la révolution culturelle (1966-1976) l’opéra traditionnel est pratiquement abandonné. En 1978, le ministère de la Culture réhabilite l’Opéra de Pékin qui retrouve l’engouement du public.
Actuellement le genre s’essouffle, même si la télévision élargit sa diffusion mais il s’efforce d’évoluer pour préserver sa popularité. A noter, tout de même, que la qualité d’exécution se maintient, le plus souvent, à un niveau très élevé.

Les divers rôles de l’Opéra de Pékin :

A la différence de l’opéra occidental qui voit les chanteurs se répartir d’abord en fonction de leurs types de

voix, l’opéra de Pékin distingue quatre grands types de rôles en fonction de l’emploi sur scène :
– sheng, principal rôle masculin ;
– dan, rôle féminin ;
– jing, rôle de « visage peint » ;
– chou, rôle de bouffon.

Le sheng se subdivise en laosheng, homme âgé portant toujours une barbe ; xiaosheng, jeune premier ; et wusheng, ou guerrier.
Le laosheng, au visage légèrement fardé et à la barbe noire, blanche ou grise qui descend souvent jusqu’à la ceinture, campe le rôle le plus important ; c’est souvent le héros de la pièce. La difficulté du rôle de xiaosheng réside dans le fait que son chant doit faire ressortir la jeunesse du personnage en alternant voix naturelle et voix de fausset, à l’image de l’adolescent qui mue. Le wusheng est un rôle qui relève autant de l’acrobatie que de l’opéra ; il peut être simple soldat, aventurier, redresseur de torts, ou général au costume enjolivé de quatre drapeaux fixés à la ceinture qui rendent les combats encore plus spectaculaires. Ce rôle est le plus spectaculaire et le plus représentatif de l’Opéra de Pékin. Les prestations acrobatiques consistent en des culbutes, des pirouettes, des sauts périlleux pour mimer des combats à mains nues. Dans les combats à l’épée ou à la lance, le rôle demande aussi des talents de jongleur, les armes valsant entre les mains des combattants. Tous ces mouvements exigent de la part de l’acteur une extrême agilité qui ne pourra être atteinte qu’après des années d’études. On lui demandera en plus de savoir chanter d’une voix naturelle plus haute que celle du rôle d’homme âgé.

Le dan est le rôle féminin qui se divise en cinq catégories principales selon le caractère du personnage. On trouve le qingyi, femme d’âge moyen, sérieuse et vertueuse ; le huadan, femme gaie et coquette ; le guimendan, jeune fille célibataire vivant encore dans sa famille ; le wudan, amazone intrépide ou femme guerrière ; et le laodan, rôle de vieille femme.
Le qingyi appelé aussi zhengdan, ou femme vertueuse, est le principal rôle féminin. il s’agit d’une jolie femme attrayante et sympathique, très souvent compagne du héros. En tant qu’épouse, elle sera un modèle de fidélité, en tant que femme non mariée, elle campera plutôt un rôle d’ingénue. La femme vertueuse se distingue par la grâce de ses mouvements et par ses yeux angéliques qui ne doivent jamais rencontrer de face un regard masculin. Son costume, simple et chatoyant, est caractérisé par des manches amples. Son chant demande une voix très claire dans les aigus.
Le huadan est un rôle de femme coquette, qui comporte plus de mime et de jeu scénique que de chant. Moins respectable que la femme vertueuse, elle se complaît à aguicher les personnages masculins par un jeu de scène caractéristique. Elle va et vient d’un côté à l’autre du plateau, tournoie autour du héros avec des mouvements rapides qui accrochent l’attention. Sa naïveté ou sa légèreté apparaissent dans l’expression de son visage en perpétuel changement. La femme coquette joue sans cesse de la prunelle, lançant des regards furtifs ou attrayants qui dévoilent toute la psychologie du personnage. Son costume est constitué d’une veste étroite boutonnée sur le côté et d’un pantalon. Elle tient souvent un mouchoir qu’elle agite à l’occasion de ses déplacements. Au niveau vocal, le rôle est surtout composé de récitatifs.
Le guimendan est la cadette de deux précédents rôles. Jeune fille encore dans sa famille, elle deviendra plus tard une dame respectable ou une femme légère. Aussi son caractère est-il sensiblement voisin de celui du qingyi ou du huadan, mais en plus modéré et beaucoup moins typé en raison de son très jeune âge.
Le wudan est l’équivalent féminin du wusheng. L’essentiel du rôle consiste en une série de prouesses acrobatiques voisines de celles réalisées par les hommes guerriers, mais adoucies par le charme féminin du personnage. Dans ces rôles, on peut trouver de simples combattantes ou des femmes officiers. Le costume des premières est composé de vêtements courts et fonctionnels, tandis que, pour les secondes, il devient beaucoup plus élaboré, comportant drapeaux à la ceinture et coiffe décorée de plumes de faisan. Lorsque le personnage occupe une place importante dans la pièce, la partie chantée vient compliquer la difficulté de ce rôle.
Le laodan caractérise les vieilles gouvernantes, les épouses âgées, les grands-mères des héros, etc. Le jeu de l’actrice doit faire ressortir l’âge avancé du personnage : mouvements hésitants, dos voûté, démarche lente… Ce rôle utilise une voix naturelle pour le chant.

Le jing est le rôle de « visage peint ». Il peut être un aventurier, un bandit, mais aussi un juge, un général, en définitive tout personnage au caractère rude et énergique. Il brille plus par son courage et son dynamisme que par sa finesse. Violent ou exalté, il exprime ses sentiments par un jeu riche en scènes de combat. Le « visage peint porte une grande barbe et est vêtu de l’armure des officiers ou d’un costume assez majestueux. Sa voix basse et profonde, son costume imposant, et sa face abondamment peinte font de lui le personnage fort des scènes où il apparaît.
Le jing se subdivise en dahualian, grande figure peinte ; erhualian, deuxième figure peinte ; wenwuhualian, figure peinte civil ou guerrier ; tongchuihualian, spécialisé dans le chant ; jiazihualian, spécialisé dans le jeu scénique.

Le chou est un rôle de bouffon. Il se repère facilement dès son entrée sur scène, grâce au disque de peinture blanche qui lui cerne les yeux et le nez. On rencontre deux sortes de bouffons. Il y a le genre idiot, sympathique et pas méchant, qui amuse par ses facéties et sa naïveté. C’est tout de même un personnage honnête et digne : un lettré un peu excentrique, un suzerain sans autorité, etc. L’autre genre est de nature plus mauvaise, parfois méchante. De caractère fourbe, c’est un coquin qui fait rire par sa bêtise. Selon le monde auquel il appartient, le rôle se subdivise en bouffon-civil, wenchou et bouffon-militaire, wuchou. Le premier incarnera un domestique, un geôlier, un marchand ou un lettré ; le second jouera un rôle secondaire de soldat ou d’aide de camp. Avec un costume aux manches trop amples, ses mouvements semblent toujours désordonnés. Il prend des airs ahuris et cligne sans arrêt des yeux. Ce rôle comique demande une voix naturelle avec un timbre propre à faire ressortir sa naïveté. Certaines femmes bouffons ont des rôles d’entremetteuses.

Il existe donc au total un peu plus d’une douzaine de types de rôles. On ne rencontre un éventail complet que dans les pièces importantes de l’Opéra de Pékin. En général, les acteurs appartiennent chacun à une catégorie bien déterminée et jouent toute leur vie le même type de rôle.

 

 

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 Laodan
(femme âgée)
 Laosheng
(homme âgé)

 

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  Qingyi
(femme entre deux âges)
 Huadan
(jeune fille)

 

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Jing
(visage peint)
Xiaosheng
(jeune premier)

 

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 Wenchou
(bouffon guerrier)
Wuchou
(bouffon civil)

Les maquillages :

Dans l’Opéra de Pékin, le maquillage est un art à lui tout seul. Il obéit à des règles précises, spécifiques à chaque catégorie de rôles, permettant au spectateur d’identifier le type du personnage dès son entrée en scène. L’expression du visage est importante, particulièrement celle des yeux. Le maquillage est en général plus spécialement centré sur cette zone, surtout pour les rôles masculins où le bas du visage, y compris la bouche, est souvent masqué par une barbe.
On distingue deux types de maquillages : le maquillage du « visage poudré » appelé également « visage non maquillé », par opposition au « visage peint » dont le grimage peut être extrêmement élaboré et coloré.

Les « visages poudrés » :

C’est le type de maquillage le plus répandu. Il est assez naturel et aussi sobre que peuvent le permettre l’éclat et la richesse des costumes. Pour les rôles de jeune homme ou de jeune femme, on utilise une crème de base de circonstance épaisse et huileuse, de la poudre blanche et du fard rouge appliqué sur les paupières et les pommettes. Les femmes appliquent une seconde couche d’un rouge plus soutenu autour des yeux. Le front, le menton, l’arrête du nez et les côtés du visage sont assez pâles. Les yeux sont cerclés de noir et les sourcils, étendus par un trait noir oblique, rejoignent la naissance des cheveux. Les lèvres sont colorées en rouge vif, le rouge à lèvres est plus clair pour les rôles masculins. Les vieilles femmes, les hommes d’âge moyen ou les vieillards emploient un fond de teint couleur chair, et pas de poudre rouge. un trait rouge entre les sourcils indiquent que le personnage aime la guerre.

Les visages peints :

Lorsque l’on parle aujourd’hui de l’art du maquillage dans l’Opéra chinois, cela s’applique surtout aux visages peints des acteurs jing et chou, et plus particulièrement aux premiers. Ce maquillage est devenu si complexe qu’il aboutit à un véritable modelage du visage de l’acteur, qui disparaît derrière une sorte de masque, raccourci symbolique du personnage.

Dans l’Opéra de Pékin, la gamme étendue des couleurs, combinée avec celle des dessins permet de créer une grande variété des personnages en indiquant avec précision les nuances des caractères. La recherche esthétique n’est évidemment pas absente et l’on se plait à ne jamais peindre deux visages exactement de la même façon. Le décodage s ’avère difficile, excepté lorsqu’il s’agit de héros très fameux.
A chaque couleur correspond une caractéristique de la personnalité du personnage :
– Le rouge indique la loyauté et la mesure. C’est la couleur portée par des héros presque sacrés en Chine.
– Le violet est une sous-catégorie du rouge. Il indique les mêmes qualités, mais à un moindre degré.
– Le blanc est employé pour les personnages rusés, les caractères riches et complexes. Sans autre ajout de couleur, il indique le traître.
– Le noir indique la droiture et l’honnêteté. En combinaison avec d’autres couleurs, il convient au tempérament loyal mais rude.

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– Le bleu est la couleur du courage, de l’arrogance, voire même de la férocité. il est souvent porté par les redresseurs de torts.
– Le jaune révèle l’intelligence et des qualités similaires à celles exprimées par la couleur bleue.
– Le marron indique l’opiniâtreté, voire l’obstination.
– Le vert sert à incarner des esprits plus ou moins malfaisants. En combinaison avec d’autres couleurs, il convient aux tempéraments instables et peu fiables.
– L’or et l’argent sont les couleurs portées par les rôles incarnant les êtres surnaturels.

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Outre la variété des couleurs, les possibilités de composition sont très nombreuses. Souvent, les motifs de base représentent des animaux très stylisés, emblèmes de longévité : chauve-souris, papillons, phalènes… En règle générale, la complexité des motifs et la débauche de couleurs n’ajoutent pas aux mérites du personnage. Simplicité du trait et sobriété des tons sont, au contraire, synonymes de noblesse d’âme et de générosité.
Il existe quelques types de maquillages très répandus, le maquillage unicolore de tout le visage, ou zheng lian ; le maquillage en trois points dit aux trois creux sombres, ou sankuaiwa lian ; le maquillage en croix, ou shizi lian ; le maquillage en quartiers, ou liufen laolian ; le maquillage asymétrique, ou wai lian ; le maquillage tout blanc, ou dabai lian ; le maquillage hiéroglyphique, ou xiangxing lian ; le maquillage bigarré, ou suihualian… pour ne citer que les plus connus.

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Les costumes :

La richesse, la couleur, le raffinement des costumes de l’Opéra de Pékin constituent certainement l’image la plus forte qu’un spectateur occidental gardera de cet art si original. Les costumes sont d’autant plus mis en valeur que l’opéra chinois ne s’embarrasse pas de décors.
Selon certains auteurs, ce chatoiement de couleurs était indispensable, autrefois, pour pallier l’insuffisance de l’éclairage, puis s’est ensuite imposé comme un aspect spécifique de l’esthétique du théâtre chanté. Par ailleurs, les pièces du répertoire traditionnel sont souvent tirées de récits historiques. Or, dans la Chine ancienne, l’habit faisait le moine et les vêtements avaient une fonction de différentiation sociale. Le style, la couleur du vêtement permettaient d’identifier avec précision l’appartenance sociale et le rang à l’intérieur d’un même milieu. Très naturellement, l’opéra a repris cette particularité pour la mise en scène des pièces classiques. Tous les théâtres mettent à la disposition des acteurs une garde-robe très fournie. Seuls les artistes les plus célèbres possèdent parfois leurs propres costumes.

Le port de la robe pour les hommes est presque toujours le trait distinctif d’une condition élevée. Les fonctionnaires civils et lettrés de haut rang portent des robes longues. Les officiers en tenue de cérémonie portent également robe, mais sur le champ de bataille, elle est remplacée par une armure très longue, mais également décorée de riches broderies.
Les gens du peuple portent un ensemble veste-pantalon, à quelques exceptions près (valets et servantes employés à la cour).

Les costumes civils :

Le mang est la robe de cérémonie des hauts dignitaires. Elle est portée par l’empereur, le premier ministre et quelques très hauts dignitaires. C’est un vêtement chasuble ample, long, en satin lourd et brodé, imprimant lenteur et dignité à la démarche. Le col est rond, la robe se ferme sur le côté et se porte avec des manches ondulantes et une ceinture ornée de jade. Selon le rang et la valeur morale, les couleurs sont classées en catégorie supérieure : jaune (pour l’empereur), blanc, rouge, vert et noir ; et en catégorie inférieure : violet, bleu, rose et grenat. Des figures de dragons sont brodées dans le haut du vêtement, tandis que dans le bas, les motifs représentent mers et montagnes. L’impératrice, les princesses et les concubines de l’empereur peuvent porter le mang.
Le guanyi est la robe du fonctionnaire. Il est aussi long, mais plus léger et moins orné que le précédent. C’est le vêtement porté à la cour par les fonctionnaires, mais aussi en province par les grands responsables. En satin, de couleur unie avec parfois un motif brodé sur la poitrine, cette robe se porte avec des manches ondulantes et la ceinture de jade. Selon l’ordre hiérarchique, le costume sera rouge, violet, bleu, noir ou blanc. Les femmes de hauts fonctionnaires le portent également, souvent en rouge.
Le tiezi est la robe d’usage courant. C’est le costume le plus habituel de l’acteur d’opéra, la tenue quotidienne du haut fonctionnaire. Longue, à large encolure, la robe se ferme sur le côté. En soie ou en satin, ce costume peut être sobre ou très brodé et supporte le port de manches ondulantes. Mi-longue, en satin léger, ouverte devant, fendue sur le côté, la version féminine de cette robe est alors portée sur une jupe avec une ceinture.

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Le peiyi est une robe d’intérieur à col ouvert en V, la fermeture se faisant à l’avant. Légèrement brodée, ses couleurs sont variées : jaune, rouge vif, bleu, grenat, blanc, rose, vert. Il existe une variante féminine, en satin plus léger brodé de fleurs.
Portées par les femmes, toutes ces robes sont beaucoup plus courtes. Elles s’apparentent davantage à des tuniques et s’assortissent à des jupes longues, en général sobres, dont seul le pan du devant est brodé.

Les gens ordinaires revêtent des habits plus fonctionnels : la veste et le pantalon. La veste des femmes est très ajustée, l’encolure haute et étroite, la fermeture se fait sur le côté. Les pantalons sont amples et droits. La veste des hommes est plus ample, de couleur plus foncée.

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Les vêtements militaires :

On retrouve, pour ces costumes également, une distinction hiérarchique.
Les simples soldats, les bandits et les aventuriers revêtent une tunique en satin brodé, fermée sur le côté, et un pantalon uni, ample et rentré dans les bottes. Ces vêtements aux couleurs variées, choisies selon les goûts des héros, peuvent s’agrémenter de capes.
Les officiers portent soit l’armure, ou kao, soit la robe-manteau de cérémonie, ou kaichang.
Le kao est le costume de combat le plus sophistiqué, revêtu par des généraux ou de grands chefs militaires. Il est long, rigide, chargé de broderies suggérant le style de l’armure. Une tête de tigre brodée orne souvent la partie centrale du costume. Le kao s’ouvre en deux pans, laissant apparaître le pantalon. Une sorte de cape rigide couvre les épaules, les manches sont serrées au poignet afin de faciliter les mouvements. Quatre drapeaux, parfois plus, sont fixés dans le dos. Les femmes officiers portent aussi l’armure.
Le Kaichang est le costume d’apparat des grands officiers et qu’empruntent les princes ayant à la fois des responsabilités civiles et militaires. Il est rigide, tout en brocart avec deux pans descendant sur le côté. cinq couleurs sont possibles, et par ordre hiérarchique : le jaune, puis le rouge, le vert, le blanc et le noir.

Il existe bien d’autres costumes. Notons simplement, la robe-manteau du lettré pauvre, en soie rapiécée ; la robe de moine découvrant le ventre ; la robe du prêtre taoïste avec les symboles du yin et du yang.
Remarquons également que pour les rôles de bouffon, le costume le plus répandu consiste en une robe de coton ou de satin noir uni.

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Les coiffures :

Les coiffures marquent aussi le rang des personnages qui les portent. Les indices de démarcation ne sont pas toujours évidents et ce ne sont pas les coiffures les plus brillantes qui conviennent aux personnages de haut rang.
Le shamao est le bonnet en crêpe ou en velours noir des hauts fonctionnaires. Il se caractérise par l’adjonction de deux ailerons fixés de chaque côté. Plus les ailerons sont longs et fins, plus le rang est élevé. Pour les bouffons ou les traîtres, les ailerons sont remplacés par des disques.
Le fangjin est la toque carrée, de couleur unie des lettrés. Dans sa partie postérieure, cette coiffure, comme la précédente, ménage un emplacement destiné à contenir le chignon.
Les étudiants portent une sorte de couronne en tissu, brodée et finement décorée. Deux rubans sont fixés à l’arrière de la coiffe des étudiants fonctionnaires, tandis que des glands sont suspendus de chaque côté de celle du futur militaire.
Les serviteurs portent un bonnet de forme hexagonale surmonté d’un pompon.
C’est parmi les guerriers que l’on trouve les coiffures les plus variées et les plus éclatantes. Casques divers et coiffes en éventails sont souvent agrémentés de deux longues plumes de faisans.

Les femmes simples ne portent pas de coiffures, elles relèvent leurs cheveux en chignon. Les autres ont aussi un chignon, mais le front est encadré de boucles, la chevelure parsemée d’épingles – bijoux. L’impératrice, les concubines et les épouses de hauts dignitaires portent « la couronne du Phénix », un diadème richement décoré, entouré de chaque côté par un rideau de perles et de pierres précieuses descendant le long de la poitrine.

L’acteur qui secoue énergiquement sa chevelure exprime l’angoisse ou la colère de celui qui se trouve dans une situation de détresse ou qui est victime d’une injustice.

coiffures

Chaussures et fausses barbes :

Afin de paraître plus imposants et plus élégants, les personnages masculins de haut rang sont chaussés de bottes à semelle épaisse (douze à quinze centimètres), qui rappellent les cothurnes du théâtre grec et qui sont elles aussi un artifice de théâtre. elles sont généralement noires ou assorties à la robe. La semelle est blanche. Seuls les guerriers appelés à exécuter toutes sortes d’acrobaties sur scène, portent des bottes ou des bottines légères.
Les femmes portent des escarpins joliment décorés. Autrefois, le raffinement suprême consistait à attacher une paire d’escarpins en bois à l’extrémité du pied, pour simuler des petits pieds.

Les barbes sont en crin ou en vrais cheveux. Noires pour les personnages de trente quarante ans, poivre et sel pour l’âge mur, blanches pour les vieillards et rouges pour les guerriers farouches ou pour les êtres doués de pouvoirs magiques. fournies, très longues, masquant la bouche et donnant une expression sévère au visage, elles peuvent être portées par tous les rôles masculins de caractère, à l’exception des jeunes hommes et des bouffons.

chaussures

Les conventions scéniques :

Décors et accessoires :

Les dépouillement des décors est l’une des spécificités de l’Opéra de Pékin. Un rideau de fond devant lequel évoluent les acteurs, une table et quelques chaises sont l’essentiel du décor. Selon les scènes, la porte d’une ville dessinée sur une toile bleu foncé, des rochers peints, l’enseigne d’une auberge accrochée au dos d’une chaise, une tenture jaune pour la salle du trône, et l’on aura la série à peu près complète des grands décors.
Les accessoires sont également simples et peu nombreux. si l’on excepte la série des armes, épées, sabres, hallebardes, et massues virevoltant dans les scènes de combat, les accessoires sont réduits au strict minimum. Quelques objets courants permettant de distinguer la salle d’audience de la salle d’auberge : pinceaux, encrier, sceau de commandement enveloppé dans un tissu jaune, éventail, théière et pot à vin. Quelques accessoires servent de support aux scènes de mime comme une cravache, une rame, des drapeaux…
Quatre acteurs traversant la scène en agitant des bannières noires, figurent la bourrasque ou l’orage, tandis que des bannières bleues où sont dessinées des ondes représentent l’eau ou l’inondation.

Les conventions scéniques :

Avec si peu d’accessoires et en l’absence de décors, tout est indiqué par les conventions scéniques régissant la position des objets.
La table et les chaises, éléments de base du décor, ont de multiples fonctions. Une table placée au milieu de la scène avec une chaise face au public, représentent une pièce quelconque. Que l’on dispose une chaise de chaque côté de la table et c’est un salon où l’on attend un visiteur. Quelques chaises recouvertes d’une étoffe font un lit. A l’arrière de la scène, tables et chaises empilées peuvent représenter la montagne qu’un personnage escalade. Conventionnellement, un acteur qui monte sur une chaise puis saute signifie qu’il a surmonté un obstacle. Un acteur essayant de sortir d’un côté puis de l’autre avant de quitter la scène indique qu’il est pris dans un incendie. Si quatre acteurs se disposent en carré après leur entrée sur scène, ce la signifie qu’ils tiennent une réunion publique ou privée…

Dans le théâtre chinois, l’entrée des acteurs s’effectue à la droite du public et la sortie à sa gauche. Les entrées et sorties de personnages importants sont souvent précédées de celles de figurants jouant le rôle de domestiques, de gardes ou de troupes. Le ballet de combat répond à des règles très strictes. Généraux et soldats des deux camps font leur entrée simultanément, les uns par l’entrée, les autres par la sortie. ceux qui doivent l’emporter à l’issue de la bataille se placent sur le côté gauche de la scène et les futurs vaincus à droite. Les vaincus sortent les premiers, laissant les vainqueurs seuls en scène. le combat se présente comme un véritable ballet. Les deux armées décrivent des cercles de chaque côté, puis se retirent pour laisser les deux généraux s’affronter. Selon les conventions établies, ceux-ci doivent croiser leurs armes et se repousser assez longuement jusqu’au dénouement final.

La gestuelle :

Plus complexes encore sont les conventions des gestes stylisés qui expriment toutes les nuances de caractère des personnages et leurs sentiments. Dès son entrée sur scène, l’acteur devra indiquer sommairement, par son attitude et l’expression de son visage, la psychologie du personnage qu’il interprète. Ses gestes éclaireront ensuite et progressivement le spectateur sur les divers aspects de la personnalité du héros. Ces gestes obéissent à des règles spécifiques à chaque rôle, et ils sont en outre associés à des figures de danse : mouvements de manches, positions des doigts, et pas de scènes sont porteurs de significations symboliques.
Dans l’Opéra de Pékin, la danse apparaît sous une forme achevée, intégrant les pratiques de la danse rituelle, guerrière ou d’expression.
Les manches ondoyantes sont devenues une caractéristique du langage scénique. Pour indiquer à l’orchestre qu’il va commencer à chanter, l’acteur soulève la manche par un mouvement circulaire du poignet, puis la fait retomber vers l’arrière. A l’inverse, il indique la fin de son chant en laissant subitement retomber ses deux manches. Lorsque l’acteur ne chante pas, le même mouvement exprime le désarroi. Ces gestes de bras et de manches s’accompagnent de hochements de tête, de déplacements de pieds, et de positions de doigts non moins symboliques.

La finesse du jeu de doigts est une particularité du jeu scénique. Il existe sept figures de base dont la dernière, le « doigt pointé » ne revêt pas moins d’une trentaine de variantes ! Pour les rôles féminins, le pouce formant un cercle avec le majeur, l’index et le petit doigt tendus sur un même plan, constituent la figure la plus courante. Les femmes peuvent se servir de l’éventail fermé pour désigner l’objet de leur courroux.
Le guerrier a souvent le poing fermé avec les pouces redressés ou se faisant face. S’il porte des plumes de faisan à sa coiffure, il peut en jouer pour manifester ses humeurs. Par exemple, balancer la tête en faisant décrire de larges cercles aux plumes signifie la colère. Les jeux de doigts avec la barbe sont également très fréquents : le mécontentement et le refus se manifestent par le rejet violent de la barbe au-dessus des épaules, accompagné d’un vigoureux mouvement de tête.
Les bouffons, eux, peuvent se permettre toutes sortes de fantaisies, comme par exemple se désigner du doigt en pointant l’index vers leur nez. C’est en outrepassant les règles que le bouffon gagne en brio.

Les démarches elles aussi sont empreintes de conventions et de règles. Les jeunes femmes doivent faire des petits pas serrés. Plus le pas est rapide, plus les pas devront être rapides. Les pieds sont parallèles et très rapprochés. Les femmes âgées ont des pas plus espacés et surtout plus lents.
La démarche ordinaire du rôle masculin est peu naturelle. Le pied est levé, posé très en avant, avant d’être rejoint par l’autre pied qui vient se placer à angle droit avec le talon du pied précédent. Pour les rôles de « visages peints », les pas sont fermes, espacés ; le pied est levé haut et se pose en imprimant vigueur et force à la démarche.
Le rythme de cette dernière et la position du corps dépendent du costume porté. Avec la robe d’apparat, la démarche est rigide ; avec les robes d’usage courant, elle devient souple et naturelle…

Le chant et la musique :

Autrefois, en Chine, on disait aller « écouter l’opéra ». Aujourd’hui encore, donnant son avis à propos d’un opéra, un Chinois mentionnera la virtuosité expressive de tel chanteur, ou la richesse de la voix de tel autre.
Le spectateur occidental, profane puisqu’il est allé « voir l’opéra », risque d’être surpris par une musique assourdissante et par des chants qu’il trouvera discordants, tant le style de musique est différent de celui de l’opéra occidental. Ici, en effet, la musique est étroitement liée à la gestuelle.
Les instruments à percussion accompagnent les mouvements des acteurs. chaque déplacement, chaque geste, chaque mimique est souligné par une phrase musicale appropriée, sans laquelle la progression du jeu serait impossible. Dans les parties chantées, accompagnées par les instruments à cordes ou à vent, l’acteur exécute également une série de mouvements ou de figures de danse nécessairement ponctués par les instruments à percussion. C’est donc la marque du rythme qui caractérise la musique de l’Opéra de Pékin et qui décompose, comme au ralenti, une succession de gestes dont chacun est porteur d’une signification propre.

La déclamation :

Dans les récitatifs, l’acteur déclame son texte en jouant sur les intonations de la langue chinoise qui utilise quatre tons différents (montant, soutenu, plat, descendant). Dans l’opéra, l’acteur prolonge ou accentue certains vocables afin de mettre en relief les sentiments et l’humeur du personnage. Ce style est utilisé dans toute déclamation et particulièrement lors des prologues. Au début d’une pièce, d’un acte ou d’une scène, le prologue donne le thème général de ce qui va suivre. Puis, en une sorte de monologue plus long, l’acteur annonce qui il est, d’où il vient, quel poste il occupe… ce qui lui arrive aujourd’hui, ce qu’il a l’intention de faire… enfin, il entame son chant et la pièce commence !

Le chant :

Dans les parties chantées, on rencontre deux types de voix : la voix de fausset et la voix naturelle. La première caractérise les rôles féminins et ceux d’hommes jeunes dont le timbre qui se casse rappelle la voix qui mue ; c’est un des rôles les plus difficiles à chanter. Les autres rôles masculins ainsi que ceux de vieilles dames se chantent avec une voix naturelle. Chacun de ces deux types de voix se subdivise ensuite selon l’emploi sur scène, assurant une variété d’expressions vibrantes, profondes, légères, douces, qui influeront sur le choix de l’accompagnement musical.
Signalisons que la langue employée au théâtre est assez éloignée du parler courant, et que les particularités de la vocalisation en rendent la compréhension plus malaisée encore. Pour pallier cet inconvénient, le texte des chants est projeté sur deux écrans verticaux situés de part et d’autre de la scène. Où qu’il se trouve dans la salle, le spectateur peut ainsi suivre le texte qui défile, tout en regardant jouer les acteurs.

Les styles musicaux :

Sans entrer dans trop de détails, signalons que l’Opéra de Pékin utilise deux styles musicaux :
– Le Erhuang qui s’emploie dans les scènes tragiques, les moments pathétiques et qui accompagne les voix naturelles
– le Xipi, plus haut d’un degré, est utilisé pour les morceaux de bravoure et les scènes enlevées, il accompagne les voix de fausset.

Divers rythmes complètent ces deux styles, citons brièvement les plus courants :
– Le daoban, rythme assez lent, employé quand le personnage vient d’apprendre une mauvaise nouvelle, lorsqu’il se réveille d’un évanouissement, etc.
– Le manban, rythme lent qui accompagne les chants lyriques.
– Le yuanban, rythme modéré (le plus employé) qui permet d’effectuer les transitions, qui accompagne la réflexion des personnages, ses mouvements d’âme et les récits descriptifs.
– Le kuaiban, rythme rapide est employé dans les moments de grande excitation, les scènes exaltées…
– Le sanban, rythme libre, dont l’accompagnement est surtout donné par le violon à deux cordes, chaque phrase étant ponctuée d’un coup de gong.

L’orchestre :

Les instruments à percussion jouent un rôle fondamental dans l’orchestre. Ils marquent la mesure et ponctuent la voix et les gestes des acteurs.
Le danpi gu, ou tambour plat, est fait d’une caisse en bois, percée en son milieu, sur laquelle est tendue une peau de mouton ; le fond du tambour n’est pas fermé. Il est monté sur un trépied et on en joue avec une ou deux baguettes. C’est l’instrument le plus important, celui qui dirige tout l’orchestre. Il marque la mesure et souligne les déclamations et les chants. Sa cadence dépend du caractère du personnage en scène : coups légers et espacés pour une personne à l’âme sereine ; coups secs et rapprochés pour une personne énergique…
Le jiaban, ou cliquettes de bois, ressemblent beaucoup aux castagnettes. Elles sont formées de trois planchettes en bois de jujubier. Deux d’entre elles sont attachées et reliées par une ficelle à la troisième que l’on tient à la main. Par un mouvement tournant et sec du poignet, les deux planchettes attachées viennent taper sur la troisième et produisent le son. Elles sont surtout employées dans les temps forts, mais elles peuvent aussi marquer la mesure.
Le tanggu,ou tambour, est une caisse en bois fermée à chaque extrémité par des peaux de porc très minces. Frappé par une ou deux baguettes, il donne des sons graves et profonds. On l’entend surtout dans les pièces à caractère militaire, pour accompagner l’entrée de guerriers, de généraux…
Le xiaoluo, ou petit gong, est un instrument en cuivre tenu à la main. Il est frappé par un bâton à l’extrémité en forme de spatule. Il produit un son aigu et perçant qui accompagne toujours l’entrée et la sortie d’un personnage important. Utilisé à des intervalles assez longs dans presque tous les mouvements, il est très caractéristique de l’Opéra de Pékin.
Le daluo, ou grand gong, est fixé à un support par une poignée en corde. Il est frappé par un maillet feutré et produit des sons éclatants. Sa vibration peut être étouffée ou interrompue par application de la main sur l’instrument. Il accompagne les mouvements des personnages héroïques, et sert à marquer les sentiments forts : anxiété, tourment, emportement…
Le bo, ou cymbales, de grande ou petite taille, elles sont frappées l’une contre l’autre d’un coup sec mais légèrement glissant. Leurs vibrations accompagnent l’entrée des forts tempéraments et les sentiments violents. Utilisées en alternance avec les gongs, elles rythment la démarche des guerriers : un coup de grand gong suivi de cymbales pour la pose du pied gauche ; un coup de petit gong suivi d’un coup de cymbales pour le pied droit.

Les instruments à cordes sont indispensables à l’accompagnement des chants. Ils soulignent aussi certains gestes.
Le huqin, ou violon à deux cordes, possède une boîte sonore faite d’un tube de bambou, recouvert à une extrémité d’une peau de serpent, et surmonté d’un manche assez long. L’archet en crin de cheval, passe entre les deux cordes et frotte constamment sur de la colophane collée sur le bord de la boîte sonore. Les cordes sont en soie et tendues par un crochet qui fait office de sillet. On en joue assis, le bas de l’instrument posé sur la cuisse. Ce violon donne des sons très puissants et intervient lors de l’ouverture d’une scène, pour l’attaque d’un chant, ainsi que pour les enchaînements entre deux morceaux chantés.
Le yueqin, ou guitare lune, très plate qui tire son nom de sa forme, possède un manche très court et quatre cordes en cuivre. Elle accompagne le violon à deux cordes pour les chants.
Le sanxian est une guitare à trois cordes dont le manche en chêne est démesurément long. Sa boîte sonore de forme oblongue est tendue de peaux de serpents de chaque côté. Les trois cordes sont en fils de soie et donnent des sons qui rappellent ceux du banjo. Elle soutient également le violon dans l’accompagnement des chants.

Les instruments à vent ne jouent qu’un rôle secondaire dans l’Opéra de Pékin. Ils sont des auxiliaires utilisés seulement à titre d’ornement.
Le suona, hautbois chinois, est un instrument à anche, dont les vibrations sont produites par une paille de riz insérée dans l’embouchure. Le corps est en bois, percé de sept trous, et se termine par un pavillon en cuivre. A cause de ses sons nasillards et perçants, il est employé dans les pièces mythologiques ou lors de scènes très solennelles.
Le dizi, ou flûte traversière, est un tube de bambou percé de six trous et recouvert de cire. Comme il n’apparaît que très rarement, c’est le joueur de guitare à trois cordes qui l’utilise également.

Notons enfin que les musiciens n’ont pas de partitions et jouent de mémoire. Il n’y a pas de chef d’orchestre, mais c’est le joueur de tambour plat qui assure la direction. De son côté, l’acteur donne à l’orchestre le signal de l’attaque, par recours à une geste conventionnel, ou en prolongeant et modulant la dernière syllabe d’un mot pour provoquer l’enchaînement.
Cette collaboration étroite entre acteurs et musiciens contribue à la beauté formelle de l’ensemble et permet justement d’établir ce lien entre voix, musique et gestes, qui fait tout le charme de l’Opéra de Pékin.

jiaban

danpi gu                                                                               jiaban

instruments

Bibliographie :

Cette plaquette a été réalisée par Alain Caporossi, à l’aide de documentations fournies par le Service culturel de l’Ambassade de Chine en France, grâce aux ouvrages cités ci-dessous ; mais essentiellement en empruntant à un fascicule rédigé par Christophe Jung et Marie-Chantal Piques pour « les cahiers d’Aujourdh’hui la Chine » édité en mars 1980 par « l’Association des Amitiés Franco-Chinoises » sous le nom de « introduction à l’Opéra de Pékin ».

Autres ouvrages consultés :
– « Masques de l’Opéra de Pékin » de Zhao Menglin et Yan Jiqing. Editions Aurore, Beijing, Chine (1992).
– « Make-up designs in traditional chinese operas » de Shi Shaoshan. Science press, Beijing, ChineWordPress3 (1995).
– « Facial make-up in Beijing opera » de Yan Shaokui. Jiangsu People’s Publishing House, Chine (1995).
– « The stagecraft of Peking opera » de Pan Xiafeng. New world press, Beijing, Chine (1995).

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Dossier réalisé par l’Association Franc-Comtoise des
Amitiés Franco-Chinoises
Novembre 1997
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Un site pour l'amitié franco-chinoise